De 2014 à ce jour, l’Afrique a connu cinq démissions d’« hommes forts » dans leur pays respectif. Certains géraient leur pays depuis plus de trois décennies si bien que nous les croyions tous incontournables et éternels, mais ils ont finalement été, d’une façon ou d’une autre, contraints à se retirer.

Sommaire

Cinq démissions et l’écroulement du mythe d’« homme fort » en Afrique

José Eduardo Dos Santos

En Angola, la surprenante décision de José Eduardo Dos Santos de ne pas se représenter à l’élection présidentielle de 2017 avait éveillé quelques soupçons de pressions qu’aurait subies ce dernier de la part de son parti politique, le puissant MPLA. Le démantèlement de l’empire politico-financier du clan Dos Santos qu’effectue aujourd’hui son successeur João Lourenço confirme bien que José Eduardo Dos Santos a été poussé en douce vers la sortie par son parti.

Zanu-PF

Au Zimbabwe, la guerre de succession à Mugabe a fait craindre le pire. La puissante machine politique Zanu-PF était au bord de l’explosion, si bien qu’il a fallu que l’armée y mette de sa pression pour déstabiliser et mettre en déroute le camp Zanu-PF pro Grâce Mugabe. Mis en minorité dans son propre parti, le vieux dictateur, qui en avait bien vu d’autres, n’a eu d’autres choix que de jeter l’éponge comme l’y contraignait son parti.

Jacob Zuma

Après des mois de farouche résistance, suite à de multiples accusations de corruption, Jacob Zuma, contraint par son parti, l’ANC, a dû démissionner. L’ANC avait pris la décision de privilégier les intérêts du parti au détriment de ceux de Jacob Zuma, exactement comme ce fut le cas avec Thabo Mbeki. Depuis, Cyril Ramaphosa, faisant figure de « monsieur lutte contre la corruption », gère une Afrique du Sud politiquement apaisée, du moins pour le moment.

Hailemariam Desalegn

Contesté à l’intérieur du Front démocratique révolutionnaire (EPRDF), le parti au pouvoir, le Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, a été poussé vers la sortie. Le Front démocratique révolutionnaire (EPRDF) se devait de préserver ses intérêts et d’apaiser un peuple en courroux.

Blaise Compoaré

La descente aux enfers de Blaise Compaoré a commencé avec sa décision de modifier la constitution de son pays afin de briguer un nouveau mandat. En effet, la genèse de sa chute remonte au départ de Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré, Salif Diallo… du Parti présidentiel, du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP). Un certain Roch Marc Christian Kaboré qui se trouve être l’actuel président du Burkina Faso.

Seul le parti est fort !

L’analyse de ces cinq démissions révèle une évidence, pas « d’homme fort » politiquement ! La machine MPLA est parvenue à convaincre José Eduardo Dos Santos de quitter le pouvoir, l’ANC a eu raison de Jacob Zuma, la Zanu-PF a fini par faire entendre raison à Robert Mugabe et le Front démocratique révolutionnaire (EPRDF) a sacrifié Hailemariam Desalegn. Blaise Compaoré a mordu la poussière quand ses cadres les plus en vue l’ont abandonné.

Dans les quatre premiers cas (Angola, Zimbabwe, Afrique du Sud et Éthiopie), le parti a su, grâce à ses intrigues et mécanismes internes, poussé légalement le supposé « homme fort » à la démission permettant ainsi la survie et le renforcement du parti avec de nouvelles priorités et orientations. Ainsi le MPLA, la Zanu-PF, l’ANC, en ayant permis l’alternance interne et donc au sommet de l’État, sortent plus renforcés et certains de conserver le pouvoir. Le Front démocratique révolutionnaire (EPRDF) éthiopien s’inscrit dans la même logique. Aussi bien donc dans un régime présidentiel comme dans un régime parlementaire, un parti politique fort peut empêcher un supposé « homme fort » d’emmener son pays à la dérive comme ce fut le cas au Burkina Faso, en Libye…

En effet, ayant été incapable de faire entendre raison à Blaise Compaoré en 2014, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès a laissé filer les cadres qu’il a formés et préparés pour la gouvernance du pays. Le départ de ces cadres, ajouté au ras le bol de la population, a précipité la chute de Blaise Comparé et affaiblit le Congrès pour la Démocratie et le Progrès. En imposant un « homme fort », un parti politique au pouvoir se fragilise au fil du temps et finit par chuter avec son « homme fort ». Mais, en faisant fonctionner la démocratie à l’interne du parti, un parti se renforce et s’assure de conserver le pouvoir. Si le Congrès pour la Démocratie et le Progrès avait convaincu Blaise Compaoré de ne pas se représenter et avait promu un certain Roch Marc Christian Kaboré, ce parti serait sans doute resté au pouvoir et aurait accru sa domination sur la vie politique du Burkina Faso ! Le Burkina Faso n’aurait sans doute vécu aucune instabilité politique transitoire après le départ de Blaise Compaoré.